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Ni gauche ni droite, simplement citoyenne

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6 mars 2013

Loi pour la refondation de l'école

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Projet de loi pour la refondation de l’école

Tout d’abord quelques précisions pour comprendre les aspects qui ont particulièrement retenu mon attention. Je suis enseignante depuis 4 ans, et depuis 3 ans dans un lycée général dans le 93, établissement classé dans la catégorie « zone sensible ». J’ai regroupé mes réflexions dans 3 grandes thématiques : la question du recrutement et de la formation des enseignants ; l’orientation et l’accompagnement à la réussite des élèves ; la question des programmes avec l’introduction de « l’enseignement moral et civique »

La question du recrutement et de la formation des enseignants :

Tout d’abord, il faut souligner que pendant la campagne présidentielle et dans ce projet de loi, est évoquée la « création » de 60 000 postes. Le projet de loi n’est pas clair sur ces postes : s’agit-il de redéploiement ? De remplacement de départ à la retraite ? De titularisation de vacataires et de contractuels ? Premièrement le terme de « création » n’est pas approprié et mensonger car pour la plupart il ne s’agira pas de création de poste. Deuxièmement, dans le contexte de crise actuelle (économique, budgétaire) mais aussi de crise des vocations, la mesure laisse sceptique. Il faut toutefois reconnaître que l’arrêt catastrophique de la politique antérieure d’une baisse continue et brutale des effectifs est une bonne chose. Mais on retombe dans le clivage traditionnel et dépassé (gauche/droite) du quantitatif/qualitatif. Il est certain qu’il faut arrêter la baisse désastreuse du personnel enseignant mais il faut l’accompagner d’une réflexion sur le qualitatif et, en la matière, le projet de loi reste flou sur de nombreux points et donc pas assez ambitieux face aux enjeux de l’école de demain.

Sur la réforme de la formation initiale, rien n’est dit sur les décharges de service pour la formation des enseignants-stagiaires. Dans cette période transitoire entre l’ancien système de formation et cette nouvelle réforme, les stagiaires ont un service de 12 h : qu’en sera-t-il  à la rentrée 2013-2014 et dans la nouvelle réforme de la formation initiale ? Le niveau de formation et les conditions de cette formation sont fondamentaux. Le projet de loi évoque la création des écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE) « pleinement intégrées à l’université ». Il faudrait que ces écoles laissent une plus grande place à des enseignants du second degré recrutés pour leurs aptitudes et leurs pratiques pédagogiques. En outre, la formation arrive souvent en décalage avec les besoins des enseignants, surtout dans un contexte où la formation des enseignants-stagiaires a été réduite à peau de chagrin (exemple vécu : une formation sur « Le 1er cours avec ses élèves » qui arrive 3 semaines après la rentrée …)      

 

Politiques de réussite éducative :

La question de l’orientation et des redoublements : le projet de loi affiche la volonté de « limiter le recours au redoublement, qui est bien souvent douloureux pour l’élève et peu efficace sur le plan pédagogique ». Cette affirmation qui généralise est très discutable et contestable. Il serait important d’y introduire la notion de « parcours différenciés », évoquée pour l’orientation mais absente pour la question des redoublements. Certains redoublements restent très efficaces d’un point de vue pédagogique ! Les enseignants sont de plus en plus heurtés par les passages contestables et massifs,  et plus globalement par l’évolution des exigences d’un bac, qui devient de plus en plus un diplôme « au rabais ».

Le projet de loi ne répond que très peu aux problèmes des formations professionnelles. Voulant défendre la conception du « collège unique », ce projet de loi « supprime pour les élèves de 4ème la possibilité de préparer une formation professionnelle … ». Comme évoqué plus loin, dans le projet de loi, mais très peu détaillé « il faut des parcours différenciés ». Des élèves se retrouvent totalement dépassés par les exigences et les attentes d’un niveau de seconde générale. Les passerelles et l’accès à certaines formations professionnelles restent parfois difficiles. Par exemple, les élèves non-redoublants de seconde générale n’ont pas la priorité pour l’accès à des formations professionnelles. Bien souvent, ils sont contraints de redoubler la seconde, un redoublement qui est inefficace et qui leur fait perdre une année scolaire. Par ailleurs, les formations professionnelles sont très souvent dévalorisées, il faut faire un vrai travail de déconstruction des idées reçues et de dialogue parfois difficile avec les familles. La proposition sur la « carte des formations professionnelles » est très ambitieuse et nécessaire pour ajuster l’offre et la demande de formation, tout en anticipant et en « accompagnant les mutations économiques ».              

 L’accompagnement des élèves en difficulté : le projet de loi est très flou sur cette question « « diversification de leurs modalités et donc une meilleure prise en compte des besoins spécifiques de chacun » … rien n’est dit sur « l’accompagnement personnalisé » mis en place par le précédent gouvernement depuis la rentrée 2010 : est-ce qu’il est maintenu dans les mêmes dispositions ? Quelles autres modalités ? La question du tutorat ? Les élèves et leur famille demandent du tutorat, de l’aide individualisée, des demandes auxquels ne peuvent pas répondre tous les établissements scolaires.

Les établissements des « zones sensibles » : le constat est lucide sur le retard de la France dans ce domaine et il est rappelé dans le projet de loi : « la France se classe 27ème sur 34 pays de l’OCDE du point de vue de l’équité scolaire : l’incidence de l’appartenance sociale sur les résultats scolaires y est particulièrement forte ». Seulement, le projet de loi n’est pas ambitieux sur la question : « la loi prévoit 7 000 postes consacrés aux territoires qui en ont le plus besoin ». Le projet de loi est également flou, en évoquant seulement la nouvelle « organisation en zonage » et sur la « volonté d’amélioration des conditions de travail des enseignants » dans ces zones dites sensibles. Rien n’est dit sur les mesures, les moyens qui vont être mis en œuvre. Encore une fois il s’agit de mettre en avant le quantitatif « 7 000 postes » mais sans évoquer les mesures qualitatives. Quels moyens pour accompagner les élèves en difficulté, plus nombreux qu’ailleurs ? Comment résoudre le problème de décrochage scolaire beaucoup plus élevé qu’ailleurs ? Comment attirer les enseignants dans les zones sensibles ? Des enseignants plus expérimentés ? Mieux formés ? Comment y stabiliser les équipes pédagogiques ? etc. …

 L’évolution des programmes : la question de l’introduction d’un « enseignement moral et civique ». Les cours d’ECJS (Education civique, juridique et sociale) me semblent tout à fait suffisants et adaptés aux missions des enseignants, en tout cas en ce qui concerne le second degré. La plupart des thématiques évoquées dans le projet s’intègrent dans l’enseignement actuel de l’ECJS. Le « développement du sens moral » des élèves ne doit pas faire partie des missions de l’enseignant. Je suis d’accord avec le développement du « sens critique » et je préfère le terme de développement du civisme que du « sens moral » qui est du ressort de l’éducation des familles, même s’il est vrai que nous sommes parfois amenés à « éduquer » et instruire les élèves. Le projet de loi évoque un nouvel enseignement avec « une approche de nature philosophique ». Il faut rappeler que l’ECJS est un enseignement majoritairement dispensé par les professeurs d’histoire-géographie et de façon très minoritaire par les professeurs de philosophie. Les professeurs d’histoire-géographie n’ont donc ni les compétences ni les connaissances requises pour dispenser cet enseignement.                

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